Histoire de percnoptère
Je suis le percnoptère numéro 722/12, soit le 722ème animal de l’année 2012. Je suis dans le centre de sauvegarde d’Hegalaldia depuis plusieurs mois. J’ai été découvert au mois d’août dans un triste état comme de nombreux jeunes animaux qui doivent se débrouiller seuls et qui manquent d’expérience. Je ne connais pas la liberté, juste une grande volière, que je partageais il y a encore quelques jours avec d’autres oiseaux. Je ne sais pas vraiment si je suis bien ou pas. Les personnes qui s’occupent de moi ont l’air d’être de bons bougres. Je porte un numéro… un numéro c’est mieux qu’un surnom. Cela évite l’attachement car je suis un animal sauvage et je ne leur appartiens pas. « Je suis la nature » qu’ils disent… C’est surtout pour qu’ils soient moins tristes s’il venait à m’arriver quelque chose de grave.
Je pense ne manquer de rien. Ils font attention à moi quand la neige tombe ou que le froid devient mordant. Ils me protègent, me mettent à l’abri.
Car nous, les percnoptères, le froid on évite ! La belle saison au Pays Basque c’est l’hiver en Afrique ! Nous suivons le soleil et la chaleur. Nous pourrions attraper la grippe sous vos contrées humides et fraiches de l’hiver et nous ne souhaitons pas être encore accusés d’être de sales bêtes. Nous sommes des vautours.
Il y a trois jours, un vautour de mon espèce est arrivé au centre. Aux dires des soigneurs, il n’était pas vraiment en forme, presque mort. Un empoisonnement…mais vu l’agitation cela semblait très grave.
Percnoptère empoissonné, arrivé au centre il y a quelques jours
En quelques minutes, l’infirmerie fut retournée dans tous les sens (aux dires d’une buse variable présente à ce moment là). Seringues, perfusions, des personnes qui s’agitent autour de mon congénère… Des mots, des phrases… Sonde, charbon, lavage d’estomac… et la chaleur de la pièce qui augmente sans cesse… Radiateur plus chaud, bouillottes, vite, vite ! ATTENTION il vomit ! Vite ! Compresses, dégagement de la trachée… Les soigneurs seraient restés près de dix heures à son chevet !
Pourquoi tant d’agitation pour nous sauver ? Nous ne serions pas très nombreux, environ 80 couples en France. Ils disent que nous sommes d’intérêt patrimonial… Parole de percnoptère, je dirais plutôt que notre espèce disparaît.
L’espèce humaine fonctionne comme cela. Il y en a qui se donnent du mal pour nous tuer et d’autres du mal pour nous sauver. Un empoisonnement avec de la viande pour nous tuer et un soigneur qui se bat pour retirer le poison. Interdisez les poisons comme cela les choses seront plus simples ! Pour notre espèce comme pour toutes les autres, nous ne nous en porterions que mieux !
Ouf, le lendemain matin, j’ai vu les soigneurs avec le sourire aux lèvres… mon collègue était sauvé. Il pourra même être remis dans la nature très rapidement. Lui, il connait la nature et il y repartira… Pour moi c’est impossible. Je suis un percnoptère qui passera sa vie en captivité.
Je suis très rare et je suis donc un oiseau qui va servir de reproducteur en captivité. Je sens des sourires sur certains visages. Le paradis pour un oiseau ne ressemble sûrement pas à une volière qui pour moi ne sert à rien car je ne peux même plus voler. Ma blessure à l’aile est trop importante et cela me bloque l’articulation. Mais mes petits, eux, connaîtront la liberté de voler, de traverser les continents et même de s’ouvrir l’esprit en voyageant. Ce qui ferait du bien à de nombreuses personnes qui travaillent pour la protection de la nature… ou pour leur nombril…
Il y a des jours sur le centre, il se passe des choses bizarres. Pas besoin de voyager, car je suis une star maintenant « Le percnoptère du Pays Basque » ! Le microcosme des reproducteurs en captivité de France et même de l’étranger me trouve à son goût. Tout le monde me veut, je suis rare et la rareté excite la convoitise… Une vraie bande de gamins devant une friandise ! Déjà, personne ne me demande mon avis, ni même l’avis des personnes qui s’occupent de moi depuis des mois ! Je sais, aucun humain ne parle le percnoptère.
J’ai appris une chose sur votre espèce ou plutôt deux :
- Il y a toujours un ami qui vous veut du bien et qui vous transfère les mails. Cela s’appelle de la délation loyale, enfin c’est un soigneur qui appelle cela comme ça…
- Et l’autre c’est l’argent qui fait tourner votre monde. Je prends mon propre exemple, je suis malade, enfin mon aile. Deux fois par jour, je dois prendre un médicament et un bon bien sûr. Ils m’en mettent pour 300 euros par semaine afin d’arrêter l’infection. OUI, je coûte cher mais voilà le prix de la rareté… Des demandes de subventions on été faites pour que l’on puisse aider le centre à financer mes médicaments. La plupart des réponses ont été négatives parmi les personnes qui maintenant se battent pour me récupérer !
Mais mes soigneurs m’ont promis qu’ils me trouveraient une bonne maison où l’on s’occupera de moi afin que mes descendants puissent connaitre la liberté de voler à travers les continents.
Ce texte est une pure fiction, les percnoptères ne savent pas écrire le français, seulement l’égyptien.